Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence

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Avis de non-responsabilité: ces informations ont été recueillies par le Secrétariat de la Commission de Venise sur la base des contributions des membres de la Commission de Venise, et complétées par des informations disponibles à partir de diverses sources ouvertes (articles académiques, blogs juridiques, sites Web d'information officiels, etc.) .

Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR


  Espagne

1.     La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?

L'article 116 de la Constitution espagnole de 1978 (ci-après, SC) prévoit trois types de situations d'urgence : l'état d'alarme, l'état d'exception et l'état de siège (les limitations les plus graves). Il établit les conditions dans lesquelles elles doivent être déclarées ; les circonstances spécifiques qui permettent leur déclaration ne sont pas définies et doivent être développées dans une loi organique.

L'état d'alerte est proclamé par le gouvernement, pour une période maximale de quinze jours. Le Congrès des députés est informé et doit se réunir immédiatement. Sans leur autorisation, ladite période ne peut être prolongée. Le décret précise la zone territoriale à laquelle s'appliquent les effets de la proclamation.

L'état d'urgence sera proclamé par le gouvernement avec l'autorisation préalable du Congrès des députés, il ne pourra pas dépasser trente jours, sous réserve de prorogation pour une nouvelle période de trente jours, avec les mêmes exigences.

L'état de siège (loi martiale) sera proclamé à la majorité absolue du Congrès des députés, exclusivement sur proposition du gouvernement. Le Congrès en détermine l'extension territoriale, la durée et les modalités.

En outre, conformément à l'article 86 de la Constitution, en cas de "nécessité extraordinaire et urgente", le gouvernement peut adopter des dispositions législatives temporaires qui prendront la forme de décrets-lois et qui ne pourront pas affecter la réglementation des institutions fondamentales de l'État, les droits, les devoirs et les libertés contenus dans le titre I, le système des Communautés autonomes ou la loi électorale générale. Les décrets-lois doivent être soumis immédiatement au Congrès des députés et votés dans les trente jours suivant leur promulgation.

2.     Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?

Oui, les dispositions de l'article 116 de la SC sont développées dans la loi organique 4/1981 du 1er juin relative aux états d'alerte, d'exception et de siège (ci-après, LOEAES). Cette loi organique établit que l'état d'alerte peut être déclaré en cas de crises naturelles, y compris en cas de crises sanitaires : c'est la base normative des mesures prises en Espagne face à la crise de la COVID-19.

Pour le texte de la LOEAES en espagnol, cliquez ici

3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?

Oui. Des trois régimes exceptionnels prévus à l'article 116 de la SC et dans la loi organique 4/1981, du 1er juin, sur les états d'alerte, d'exception et de siège, seul l'état d'alerte prévoit expressément qu'il peut être déclaré en cas de "crises sanitaires, telles qu'épidémies et situations graves de pollution" [art. 4.b) LOEAES].

En ce qui concerne la législation sanitaire, il convient de mentionner la loi 33/2011 du 4 octobre, la loi générale sur la santé publique et la loi organique 3/1986 du 14 avril, sur les mesures spéciales dans le domaine de la santé publique.

Ces deux règles concernent exclusivement le domaine de la protection de la santé, reconnu par l'article 43 de la SC, et n'étendent pas leurs dispositions à d'autres domaines ni ne réglementent d'autres droits qui pourraient être affectés par une situation de crise sanitaire mondiale de l'intensité de la COVID-19. En outre, aucune de ces règles ne prévoit expressément une limitation des droits fondamentaux ou la participation du Parlement (en particulier, le Congrès des députés), tant à la déclaration initiale de l'état d'alerte par le gouvernement qu'à l'approbation nécessaire des prorogations successives par le Congrès.

La loi organique 3/1986, du 14 avril, sur les mesures spéciales en matière de santé publique, vise à "protéger la santé publique et à prévenir sa perte ou sa détérioration", pour laquelle "les autorités sanitaires des différentes administrations publiques peuvent, dans le cadre de leurs compétences, adopter les mesures prévues dans la présente loi, lorsque des raisons sanitaires urgentes ou nécessaires l'exigent". Ces mesures concernent le traitement, l'hospitalisation et le contrôle des patients, et de l'environnement immédiat, s'il existe un danger pour la santé de la population et dans le cas de maladies transmissibles (articles 1, 2 et 3). Des mesures peuvent également être prises pour assurer l'approvisionnement et la distribution des produits médicaux nécessaires (article 4).

La loi 33/2011 du 4 octobre, la loi générale sur la santé publique, vise à "atteindre et maintenir le niveau de santé le plus élevé possible de la population", et, plus précisément, à "jeter les bases pour atteindre et maintenir la santé des personnes au niveau le plus élevé possible, au moyen de politiques, de programmes, de services et, en général, d'actions de toute nature menées par les autorités publiques, les entreprises et les organisations de citoyens dans le but d'agir sur les processus et les facteurs qui influencent le plus la santé, et ainsi prévenir les maladies et protéger et promouvoir la santé des personnes, tant dans la sphère individuelle que collective" (article 1).

L'article 52 de cette loi générale sur la santé publique attribue au ministère de la santé (autorité sanitaire de l'État), dans certains cas, avec ses directions générales, l'adoption de mesures d'intervention spéciales pour protéger la santé publique, dans des situations d'urgence ou de nécessité et face à des circonstances extraordinaires (article 52).

4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?

Oui. Selon l'article 116.2 de la SC, l'état d'alerte est déclaré "par le gouvernement au moyen d'un décret convenu par le Conseil des ministres pour une durée maximale de quinze jours". Après ce premier délai, le gouvernement peut soumettre la déclaration au Parlement pour des prorogations successives. Ni la Constitution, ni la loi organique, ne fixent la durée de ces prorogations, aussi le gouvernement propose-t-il une durée pour la prorogation qui doit être autorisée par le Congrès des députés. En fait, le Congrès peut déterminer la portée et les conditions de la prorogation, et cela inclut également sa durée.

Conformément à cette disposition, le décret royal 463/2020 du 14 mars a été publié initialement, déclarant l'état d'alerte pour la gestion de la situation de crise sanitaire causée par la COVID-19, qui a été prorogé six fois, pour des durées successives de 15 jours (la prorogation, au moment de la rédaction du présent document) a été autorisée lors de la séance plénière du Congrès des députés tenue le 3 juin. Le ministre de la Santé a été l'autorité de l'État désignée dans le décret royal 463/2020, du 14 mars, pour gérer l'état d'alerte et ses six prorogations successives (à la première période, avec d'autres ministres, en raison de la matière à traiter).

Pour consulter le décret de déclaration de l'état d'alerte en espagnol, cliquez ici.

5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?

L'article 116.2 de la SC dispose que le gouvernement déclare un état d'alerte et fait rapport au Congrès des députés, qui doit se réunir immédiatement à cette fin. L'article 162 du Règlement du Congrès des députés (RCD) prévoit que, après avoir reçu la communication de la déclaration accompagnée du décret convenu en Conseil des ministres, celle-ci est transmise au comité compétent, qui peut demander les informations et les documents qu'il juge appropriés ; l’article 165 établit que la question sera immédiatement soumise à l'assemblée plénière du Congrès, convoquée à cet effet si celui-ci n'est pas en session.

La session plénière du Congrès des députés a été effectivement convoquée pour le 18 mars. Lors de cette session, le Premier ministre a expliqué les raisons et le contenu de la déclaration de l'état d'alerte, suivi d'un débat avec l'intervention des porte-paroles des différents groupes parlementaires. Chaque extension de la déclaration nécessite une autorisation préalable du Congrès.

6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?

Conformément à la jurisprudence constitutionnelle, le décret royal déclarant l'état d'alerte a rang ou valeur de loi, et il appartient donc exclusivement à la Cour constitutionnelle de juger de sa conformité à la Constitution (ATC 7/2012 du 13 janvier et STC 83/2016 du 28 avril). Le décret royal 463/2020, relatif à la déclaration de l'état d'alerte, le décret royal 465/2020, relatif à la modification du décret royal précédent et aux trois premières extensions de celui-ci, par les décrets royaux 476/2020 du 27 mars, 487/2020 du 10 avril et 492/2020 du 24 avril, ainsi que l'ordonnance SND/298/2020 du 29 mars, établissant des mesures exceptionnelles en matière de veillées funéraires et de cérémonies pour limiter la propagation et la contagion de la COVID-19, ont fait l'objet d'un recours en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle introduit par des membres du groupe parlementaire VOX au Congrès (recours 2054-2020). La Cour constitutionnelle a déclaré le recours recevable par ordonnance du 6 mai 2020.

7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?

Ni la Constitution espagnole ni la loi organique 4/1981 du 1er juin 1981 sur l'état d'alerte, d'exception et de siège n'établissent que tout droit fondamental ou toute liberté publique faisant l'objet d'une plainte constitutionnelle peut être abrogé en cas d'état d'alerte.

La Constitution espagnole prévoit seulement la "suspension" de certains droits, qui sont explicitement mentionnés, en cas de déclaration d'états d'exception et de siège, mais pas sous l'état d'alerte (article 55.1 de la SC). Selon l'article 116.1 de la SC, il est possible d'établir des "limitations", pendant l'état d'alerte, qui, selon l'article 11 de la loi organique 4/1981, peuvent affecter la liberté de circulation à certaines heures ou sous certaines conditions, les biens qui peuvent être réquisitionnés, la contrainte de contributions personnelles, l'intervention et l'occupation transitoire de locaux (à l'exception des domiciles privés), la limitation ou le rationnement de l'utilisation ou de la consommation de services ou de produits essentiels ou l'adoption de mesures de protection de la santé et de l'environnement. En tout état de cause, l'article 1.2 de cette loi organique établit que les mesures à adopter dans l'une ou l'autre de ces situations, ainsi que leur durée, seront "celles strictement indispensables pour assurer le rétablissement de la normalité". Elles seront mises en œuvre de manière proportionnée aux circonstances".

L'Espagne n'a dérogé à aucun droit de la CEDH en vertu de l'article 15 de la Convention ou de tout autre instrument international.

8. Quels droits de l'homme ont été limités/dérogés dans votre pays, dans le contexte de la pandémie Covid-19?

L'état d'alerte ne permet pas la suspension ou la dérogation des droits fondamentaux. La déclaration de l'état d'alerte permet l'introduction de limitations ou de restrictions à l'exercice d'un droit fondamental, mais ne prive pas ce droit de son caractère fondamental ou de son rang constitutionnel. Elle ne suspend pas non plus, même provisoirement, l'efficacité de ce droit. Le droit reste en vigueur et est doté de toutes les garanties constitutionnelles applicables (protection juridictionnelle effective, respect du contenu essentiel du droit – ex article 53.1 de la CS - examen de la proportionnalité dans l'exercice des limitations imposées et protection par une plainte constitutionnelle devant la Cour constitutionnelle).

Entre autres mesures, l'article 7 de l'arrêté royal no. 463/2020 relatif à la déclaration de l'état d'alerte a établi des limitations ou des restrictions graves dans la manière dont la liberté de circulation est exercée (art. 19 CS). Il a été fait dans le but de contribuer à la réalisation d'un intérêt public tel que la garantie de la santé des personnes, conformément à ce qui est autorisé par les articles 11 et 12 de la loi organique 4/1981. Le décret n°. 463/2020 contenait une interdiction de sortir dans la rue avec les quelques exceptions prévues à l'article 7 (acquisition de denrées alimentaires, de produits pharmaceutiques et de produits de base ; assistance aux centres, services et installations de santé ; déplacements domicile-travail ; retour à la résidence habituelle ; assistance et soins aux enfants, aux mineurs, aux personnes handicapées ou particulièrement vulnérables ; recours aux institutions financières et d'assurance ; ou en raison de force majeure ou de situation de besoin, ou toute autre activité de nature similaire).

Les "mesures d'endiguement" sur les déplacements par route et la circulation des personnes qui ont été adoptées dans divers domaines ont eu un impact sur l'exercice de certains droits mais sans les suspendre tout en maintenant toutes les garanties de défense judiciaire ; tel a été le cas dans le domaine de l'éducation, des affaires, des activités culturelles et récréatives, des hôtels et restaurants, des lieux de culte et des cérémonies religieuses, de la santé publique, du transit et du transport douanier, de l'approvisionnement en denrées alimentaires, de l'approvisionnement en énergie et autres services essentiels, des médias publics et privés et de la mise en place d'un système spécifique de sanctions. Ces sanctions font actuellement l'objet d'un contrôle judiciaire car elles ont été adoptées pour des motifs généraux de "désobéissance".

Toutefois, certains spécialistes du droit constitutionnel ont fait valoir devant le Médiateur que la limitation des droits a été si importante qu'ils estiment que nous sommes face à une véritable suspension des droits. Pour eux, l'état d'alerte correspond en réalité à un état d'exception. Les principaux partis d'opposition (PP et Vox) sont d'accord avec cette affirmation.

9. Si l'état d'urgence n'a pas été déclaré, l'exécutif a-t-il bénéficié de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation ordinaire sur les risques sanitaires ou d'une autre urgence publique? A-t-il décidé d'imposer des restrictions exceptionnelles aux droits de l'homme sur la base de ces lois?

Non applicable – le gouvernement a fait la déclaration et a utilisé les pouvoirs prévus par la loi constitutionnelle sur les trois régimes d’urgence (voir question 2)

10. Est-ce que la possibilité pour l’exécutif de déroger à la répartition normale des pouvoirs en situation d’urgence est limitée quant à sa durée, ses circonstances et sa portée?

La déclaration de l'état d'alerte ne permet pas d'abroger la répartition des pouvoirs.

L'article 116.5 de la SC établit qu'aucun des pouvoirs constitutionnels de l'État ne peut être interrompu pendant la durée de validité de l'un des trois états exceptionnels. En termes constitutionnels, la position du Parlement est renforcée, puisqu'il ne peut être dissous pendant la durée de validité de l'un des trois états exceptionnels, les chambres (Congrès et Sénat) étant automatiquement convoquées si elles ne sont pas en session, dans la mesure où l'intervention du Congrès est expressément prévue (à des degrés divers, selon l'état exceptionnel en question). En effet, en état d'alerte, tant la déclaration que les prorogations nécessitent une action conjointe de l'exécutif et du législatif. L'exécutif déclare l'état d'alerte et doit immédiatement en informer le législatif. Quant à la prolongation, elle est demandée par l'exécutif, mais doit être autorisée par le parlement, qui en détermine la portée et les conditions.

En ce qui concerne les compétences régionales, le décret de l'état d'alerte permet au gouvernement national de soumettre les compétences régionales liées à la situation d'urgence, à la direction des autorités nationales. Pendant la première période de l'état d'alerte, les compétences régionales sur ces questions étaient uniquement exécutives. Puis, lors des dernières extensions de l'état d'alerte, une coordination et une coopération entre les deux niveaux de gouvernement ont été établies.

11. Les sessions du Parlement ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps? Des règles spécifiques sur le fonctionnement du Parlement pendant l'urgence ont-elles été adoptées? Par le parlement ou par l'exécutif?

Quelques jours avant la déclaration de l'état d'alerte, le Congrès des députés a décidé de reporter son activité, sachant que certains de ses membres avaient été infectés et que le reste des membres du groupe parlementaire auquel ils appartenaient n'allait pas assister aux sessions - voir ici le communiqué de presse du 10 mars. Peu après, le Conseil (l'organe directeur de la Chambre) a accepté de suspendre la plupart des activités du Congrès pendant deux semaines, tout en traitant des questions urgentes (telles que la validation des décrets-lois en suspens), en rendant le vote à distance généralement disponible dans de tels cas, de sorte que seuls les membres de la Chambre qui devaient prendre la parole lors de la session pouvaient y assister - voir le [communiqué de presse du 12 mars http://www.congreso.es/portal/page/portal/Congreso/Congreso/SalaPrensa/NotPre?_piref73_7706063_73_1337373_1337373.next_page=/wc/detalleNotaSalaPrensa&idNotaSalaPrensa=35249&anyo=2020&mes=3&pagina=1&mostrarvolver=S&movil=null].

Après la déclaration de l'état d'alerte, la Chambre s'est réunie dans tous les cas prévus par la Constitution et les règlements (prolongation de l'état d'alerte, validation des décrets-lois) et elle a également progressivement repris son fonctionnement ordinaire.

Pour les Chambres du Parlement national, les règlements du Congrès et du Sénat ne prévoient pas de sessions virtuelles, mais seulement le vote à distance dans certaines circonstances particulières.

Il a été particulièrement important de maintenir le contrôle parlementaire du gouvernement par le biais de questions et d'interpellations orales au cours des sessions parlementaires où tous les membres de l'exécutif ont comparu et sont intervenus. Il convient également de noter la comparution hebdomadaire du ministre de la santé en séance de commission. Pendant l'état d'alerte, tous les membres du gouvernement ont comparu, à leur propre demande, dans les commissions correspondantes du Congrès et du Sénat pour présenter et débattre de leurs actions avec les groupes parlementaires pendant cette période.

Depuis la déclaration de l'état d'alerte, le Congrès a tenu 12 sessions plénières et de nombreuses réunions de commissions, dont celles de la Commission de la santé et de la consommation (11), dans la mesure où le chef du ministère de la santé, comme indiqué ci-dessus, s'est vu confier un rôle plus important parmi les autorités compétentes. Le Congrès a également convenu de la création d'une commission spéciale "pour la reconstruction sociale et économique", qui a tenu des sessions quotidiennes depuis sa création et a été organisée en quatre groupes de travail : relance économique, protection et soins sociaux, santé publique et Union européenne.

12. Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle ou d'une juridiction équivalente et/ou d'autres tribunaux ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps ? Des règles spécifiques sur leur fonctionnement pendant l'état d'urgence ont-elles été adoptées ? Par le parlement ou par l'exécutif ?

La deuxième disposition additionnelle du décret royal 463/2020, sur la déclaration de l'état d'alerte, a établi de manière générale la "suspension des délais de procédure", qui devra être reprise lorsque l'état d'alerte aura pris fin (par la suite, mais sans être applicable jusqu'à ce moment, le décret-loi royal 16/2020, du 28 avril, sur les mesures procédurales et organisationnelles pour faire face à la COVID-19 dans le domaine de l'administration de la justice, a établi les critères que les tribunaux devront suivre pour reprendre leur activité). Certaines exceptions à cette suspension sont expressément établies : ainsi, la suspension n'affecte pas les procédures d'habeas corpus, les procédures concernant les détenus, les ordonnances de protection, la surveillance des prisons, la violence contre les femmes ou les mineurs, la protection des droits fondamentaux de la personne, les conflits collectifs, la protection des mineurs ou, plus ouvertement, celles nécessaires pour éviter un préjudice irréparable aux droits et intérêts légitimes des parties à la procédure.

Quant à la Cour constitutionnelle, par décision du 16 mars 2020, adoptée par l'assemblée plénière en réunion virtuelle, il a été établi que les délais de toute action procédurale ou administrative étaient suspendus pendant l'état d'alerte, bien que les recours et les mémoires touchant les différentes procédures constitutionnelles ou administratives puissent encore être déposés. En application du principe de fonctionnement régulier des institutions mentionnées ci-dessus, il a également été convenu que la Cour constitutionnelle continuerait à rendre les arrêts et à prendre les mesures provisoires nécessaires "dans les processus constitutionnels, en tant que de besoin, afin de garantir le système constitutionnel et les droits fondamentaux et les libertés publiques". La Cour constitutionnelle a ensuite adopté la décision du 6 mai 2020, également de l'Assemblée plénière, pour préciser que, dans tous les processus constitutionnels déjà en cours, les termes et délais qui avaient été suspendus en application de la décision précédente seraient recalculés depuis le début, le premier jour du calcul étant donc le jour ouvrable suivant celui où la suspension de la procédure a été levée.

13. La législation sur l'état d'urgence ou sur la situation d'urgence a-t-elle été modifiée ou adoptée pour faire face à la pandémie de Covid-19?

Ni la législation d'urgence ni la législation sanitaire d'urgence n'ont été modifiées. Des décisions ont été prises pour traiter la COVID-19 en application des dispositions des décrets adoptés dans le cadre du régime juridique de l'état d'alerte, dans le cadre de la législation d'urgence déjà existante ou en utilisant le pouvoir du gouvernement d'adopter la législation d'urgence prévue à l'article 86 de la Constitution (décrets-lois).

Les dispositions régissant l'état d'alerte permettent à l'autorité compétente (dans ce cas, le gouvernement) d'adopter les mesures nécessaires pour faire face à la situation extraordinaire (articles 11 et 12 de la LOEAES). A cet égard, de nombreuses réglementations ont été convenues, sous la forme d'un décret royal approuvé par le Conseil des ministres ou d'un arrêté ministériel, dans lequel ces mesures ont été précisées (elles peuvent être consultées sur le site Internet créé par le Journal officiel de l'Etat : "COVID-19 : Loi européenne, d'État et des Communautés autonomes", pour le texte en espagnol cliquez ici.

En outre, le gouvernement, lorsqu'il l'a jugé nécessaire, a également fait usage de l'autorisation générale contenue dans l'article 86.1 de la SC, qui lui permet d'établir des règles juridiquement contraignantes en cas de "nécessité extraordinaire et urgente", qui sont de nature provisoire jusqu'à ce qu'elles soient validées ou abrogées par le Congrès des députés (30 jours). Depuis le 10 mars (avant la déclaration de l'état d'alerte, qui a été adoptée le 14 mars) et jusqu'au 14 juin 2020, 16 règles de ce type ont été approuvées, touchant différents domaines : protection de la santé publique, impact économique et social, emploi, mobilité de la population, assistance aux victimes de la violence de genre, fiscalité, administration de la justice, culture, etc.

L'objectif de ces décrets-lois a été de construire ce que l'on appelle communément un bouclier social contre la pandémie qui a été motivé par la protection de la santé, ainsi que le maintien du tissu économique dans le cadre d'une économie sociale de marché, la préservation de l'emploi et la protection sociale. Toutes ces mesures économiques poursuivront leur procédure parlementaire ordinaire devant le Parlement espagnol afin qu'elles puissent enfin être intégrées dans le système juridique, le cas échéant, et dans les termes déterminés par le Parlement espagnol lui-même.

14. Cette législation supplémentaire a-t-elle fait l'objet d'un contrôle judiciaire?

Oui. Étant donné le volume et la diversité des règles adoptées, il est difficile de décrire tous les recours qui ont pu être introduits contre ces règles ou contre les actes qui les ont mises en œuvre ; il convient donc de rappeler simplement que, comme toute autre activité législative et administrative, cette législation est soumise à un contrôle juridictionnel : uniquement par la Cour constitutionnelle si elle a le statut de loi (ce qui est le cas des décrets-lois et des décrets déclarant et prolongeant l'état d'alerte, comme indiqué ci-dessus) et par les tribunaux ordinaires si les règles en question ont le statut de règlements ou d'actes administratifs (avec la particularité que, si l'on considère qu'il y a eu violation des droits fondamentaux, ce contrôle peut finalement être exercé devant la Cour constitutionnelle en déposant un recours de plainte constitutionnelle, à condition que les conditions constitutionnelles et légales pour déposer une telle plainte soient remplies).

15. L'état d'urgence a-t-il été prolongé ? Pour combien de temps ? La prolongation a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ? A-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire?

Oui, l'état d'alerte, initialement déclaré pour une période de quinze jours, a été prolongé à six reprises, conformément aux dispositions de l'article 6.2 de la LOEAES (la SC n'établit aucune réglementation expresse sur la prolongation), qui requiert l'autorisation expresse (et préalable) du Congrès des députés qui, dans ce cas, peut établir la portée et les conditions en vigueur pendant la prolongation. Le gouvernement, conformément à l'article 162 du Règlement du Congrès des députés, doit en faire la demande avant l'expiration du délai ; les groupes parlementaires peuvent présenter des propositions sur la portée et les conditions de la prorogation avant le débat, qui commence par la présentation par un membre du Gouvernement des raisons justifiant la demande de prorogation et se termine par le vote des propositions présentées par les groupes parlementaires après la demande du Gouvernement et intégrant ensuite les propositions qui ont été préalablement approuvées. Des modifications du décret royal 463/2020 ont été incluses, précisant, étendant ou réduisant la portée des mesures initialement envisagées, dans les décrets qui promulguent ces prorogations successives toujours pour des délais de quinze jours exactement, afin que l'évolution de l'état d'alerte puisse être périodiquement débattue au Congrès (la LOEAES ne contient aucune disposition sur la durée de ces prorogations). Il a été annoncé que la prolongation autorisée par le Congrès le 3 juin et qui durera jusqu'au 21 juin sera la dernière et que, par conséquent, l'état d'alerte doit prendre fin ce jour-là.

16. Quels sont les recours juridiques disponibles contre les mesures générales et/ou individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence? Quels sont les recours juridiques contre les mesures prises en application de la législation ordinaire sur les crises sanitaires ? Une modification des recours juridiques disponibles a-t-elle été décidée en raison de l'état d'urgence ou provoquée par celui-ci? Des mesures d'urgence ont-elles été invalidées et pour quelles raisons (compétence, procédure, manque de proportionnalité, etc.).

Le système de contrôle judiciaire des règles et des actes liés à l'état d'alerte n'est pas perturbé. À titre d'exemple, certains arrêts ont confirmé ou révoqué les décisions prises à l'occasion de manifestations ou de rassemblements convoqués à l'occasion de la célébration du 1er mai, touchés par les mesures de limitation de la circulation (ainsi, arrêt de la Haute Cour de justice de Galice du 28 avril 2020, arrêt de la Haute Cour de justice d'Aragon du 30 avril 2020 ou ordonnance de la Cour constitutionnelle du 30 avril 2020). D'autres décisions de certains tribunaux supérieurs de justice de plusieurs communautés autonomes ont soutenu les manifestations du 23 mai organisées par Vox dans certaines villes contre la gestion de la crise par le gouvernement.

17. Si des élections parlementaires et/ou, le cas échéant, présidentielles étaient prévues pendant l'urgence de Covid-19 : ont-elles eu lieu? Des dispositions particulières ont-elles été prises et, si oui, lesquelles ? A-t-il été nécessaire de modifier la législation électorale? Quel a été le taux de participation? Comment a-t-elle été comparée à celle des élections précédentes? Si elles ont été reportées, quelle était la base constitutionnelle ou légale pour le faire? Qui a pris la décision? Pour combien de temps ont-elles été reportées? Cette décision a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ou judiciaire ?

Aucune élection générale n'a été organisée ou prévue pendant l'état d'alerte. Conformément à l'article 116.5 de la SC, la dissolution du Congrès pendant l'état d'alerte ou d'autres états exceptionnels est interdite. En outre, à ce moment, le Président du gouvernement ne peut pas dissoudre le Parlement et convoquer des élections anticipées avant qu'un an ne se soit écoulé depuis la dernière dissolution (article 115.3 de la Constitution). Les dernières élections ayant eu lieu le 10 novembre 2019, il n'est possible de convoquer des élections anticipées qu'en septembre 2020 afin de les tenir en novembre 2020.

18. Mêmes questions que sous 17, mutatis mutandis, en ce qui concerne les élections locales et les référendums.

Avant la déclaration de l'état d'alerte, les présidents des Communautés autonomes du Pays basque et de Galice avaient convoqué des élections aux parlements respectifs de ces Communautés autonomes, exerçant le pouvoir de dissolution anticipée que leur accordent les lois régionales (les deux Communautés autonomes avaient tenu les élections précédentes le 25 septembre 2016 et leurs parlements ont un mandat de quatre ans).

Les deux décrets de dissolution des parlements de ces Communautés autonomes ont été adoptés le même jour et des élections ont également été convoquées à la même date, le 5 avril (décret 2/2020 du 10 février du Lehendakari dissolvant le Parlement basque et convoquant des élections et décret 12/2020 du 10 février dissolvant le Parlement galicien et convoquant des élections).

En raison de l'aggravation de la situation sanitaire, les gouvernements des deux communautés autonomes ont décidé que les élections ne pourraient pas être organisées avec les garanties sanitaires nécessaires et les deux processus électoraux ont été suspendus (décret 7/2020 du 17 mars du Lehendakari, annulant les élections au Parlement basque le 5 avril 2020 en raison de la crise sanitaire dérivée de la COVID-19 et détermine l'émission du nouvel appel électoral, et décret 45/2020 du 18 mars, qui renonce à la tenue des élections au Parlement de Galice le 5 avril 2020 en raison de la crise sanitaire due à la COVID-19). Les deux décrets ont un contenu bref et très similaire : en plus de prévoir cette mesure, ils établissent quand l'appel aux élections sera activé, avec une légère différence sur ce point, puisque le premier exige simplement que l'"urgence sanitaire" (déclarée par le gouvernement autonome) ait été levée, tandis que le second fait également référence à la levée de l'état d'alerte (qui dépend, comme on l'a vu, des institutions centrales de l'État) ; dans les deux cas, lorsque ce moment arrive, le déclenchement des élections doit se faire "immédiatement" (Pays Basque) ou "le plus tôt possible" (Galice) et, dans les deux cas, "après que les partis politiques aient été entendus", par le biais d'un nouveau décret du Président autonome.

Le décret royal 514/2020, du 8 mai, par lequel l'état d'alerte est prolongé (quatrième prolongation), établit que "la validité de l'état d'alerte ne doit pas constituer un obstacle au développement et à la réalisation des activités électorales nécessaires à la tenue des élections convoquées aux Parlements des Communautés autonomes" (art. 7. 1 bis.). Cette possibilité a permis aux deux Communautés autonomes de convoquer à nouveau leurs élections respectives (décret 11/2020, du 18 mai, du Président basque, convoquant les élections au Parlement basque, qui fixe la date du vote au 12 juillet, et décret 72/2020, du 18 mai, du Président de la Galice, convoquant les élections au Parlement de Galice, pour la même date du 12 juillet).

Dans les deux cas, il est entendu qu'il s'agit d'une date appropriée pour mener à bien le processus électoral en prenant les mesures préventives nécessaires, étant donné que l'épidémie devrait présenter des données plus favorables (par opposition à une prévision selon laquelle un nouveau foyer pourrait se produire à une date ultérieure). En tout état de cause, si les conditions de santé publique se détériorent, rendant difficile la tenue des élections à la date prévue, il est prévu d'annuler à nouveau l'appel aux élections, en reportant le vote à une date ultérieure pouvant offrir les garanties sanitaires nécessaires.

En l'absence de toute disposition législative concernant la suspension des élections en Espagne, dans de tels cas, la décision a été prise par les deux Présidents régionaux, avec un accord politique avec les partis représentés dans les deux Parlements régionaux, et avec l'accord des deux Commissions électorales régionales.