Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence

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Avis de non-responsabilité: ces informations ont été recueillies par le Secrétariat de la Commission de Venise sur la base des contributions des membres de la Commission de Venise, et complétées par des informations disponibles à partir de diverses sources ouvertes (articles académiques, blogs juridiques, sites Web d'information officiels, etc.) .

Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR


  Italie

1.     La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?

En vertu de l'article 78 de la Constitution italienne de 1948, "le Parlement a le pouvoir de déclarer l'état de guerre et de conférer les pouvoirs nécessaires au gouvernement". Aucun autre état d'urgence n'est régi par la Constitution. En outre, selon l'article 77, paragraphes. 2 et 3, "Lorsque le gouvernement, dans des cas extraordinaires de nécessité et d'urgence, adopte sous sa propre responsabilité une mesure temporaire, il la présente au Parlement pour qu'elle soit transposée en droit. Lors de la dissolution, le Parlement est convoqué dans les cinq jours suivant cette présentation. Une telle mesure perd ses effets dès le début si elle n'est pas transposée en loi par le Parlement dans les soixante jours suivant sa publication. Le Parlement peut régler les relations juridiques découlant de la mesure rejetée". La signification effective des mots "cas extraordinaires de nécessité et d'urgence" a considérablement varié de temps à autre. Alors que dans la première décennie de la pratique constitutionnelle, ces cas concevaient des urgences publiques telles que des tremblements de terre ou des crises financières, les gouvernements ont adopté par la suite des décrets-lois (à savoir les "mesures temporaires" prévues à l'article 77) comme moyens ordinaires de législation, avec pour effet de transformer l'exception (ou l'urgence) en règle. Pendant la crise COVID, les mesures d'urgence ont été prises par le gouvernement sur la base du mandat donné par la législation ordinaire (voir Q2 et Q3) ; en outre, le gouvernement a légiféré par décrets-lois en vertu de l'article 77 de la Constitution

2.     Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?

Une loi sur la protection civile promulguée en 1992, désormais reprise dans le décret législatif du 2 janvier 2018, n° 1 avec modifications (pour le texte en italien cliquez ici, permet au gouvernement de déclarer l'état d'urgence sous certaines conditions. Pendant cet état, les autorités administratives peuvent adopter des ordonnances dérogeant aux lois ordinaires, mais pas aux lois constitutionnelles.

3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?

En plus de la législation sur la protection civile (voir Q2), la loi n° 833/1978, établissant le Service national de santé, permet au ministère de la santé d'adopter des ordonnances urgentes visant à réglementer une urgence sanitaire survenant au niveau national, ainsi qu'aux présidents des 19 régions et des 2 provinces autonomes d'adopter des ordonnances urgentes visant à réglementer une urgence sanitaire survenant au niveau régional.

4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?

Elle a été déclarée le 31 janvier 2020 par l'exécutif et devait durer six mois (jusqu'au 31 juillet 2020) - cliquez ici

La déclaration de l'état d'urgence a été basée sur le décret législatif 2 janvier 2018, n. 1. (voir Q2). Plus tard, le gouvernement a commencé à promulguer des décrets-lois sur la base de l'article 77 de la Constitution (qui n'ont pas besoin d'une déclaration de l'état d'urgence pour être adoptés). Parallèlement, le ministère de la santé a émis des décrets d'urgence en vertu du mandat qui lui a été confié par la loi sur le Service national de santé.

5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?

Le gouvernement a eu recours à des décrets législatifs pour faire face à la pandémie. La déclaration faite par l'exécutif en vertu de la loi de 1992 n'a pas été soumise au Parlement, car la loi de 1992 ne prévoit pas une telle soumission. Il convient d'ajouter qu'avec la montée effective de la pandémie de Covid-19 (fin février), le gouvernement a décidé de compléter la déclaration, d'abord par des décrets urgents du ministère de la santé (et des présidents des régions pour leurs territoires respectifs), adoptés en vertu des dispositions de la loi n° 833/1978 (voir Q3), puis par des décrets-lois (en vertu de l'article 77 de la Constitution), qui ont été soumis à l'approbation du Parlement (et l'ont obtenue).

En outre, ces décrets-lois ont permis au Premier ministre d'adopter des décrets (gouvernementaux) pour faire face à l'urgence à court terme. Ces décrets n'avaient pas besoin de l'approbation du Parlement, et c'est pourquoi le gouvernement a été critiqué par les médias et par certains constitutionnalistes. Par la suite, le gouvernement a décidé que le Premier ministre informerait le Parlement de l'application de ces décrets toutes les deux semaines.

6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?

La déclaration de l'exécutif (prévue par la loi de 1992, la constitution ne prévoyant pas de déclaration dans de telles circonstances) n'est pas soumise en tant que telle à un contrôle juridictionnel.

7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?

La Constitution ne réglemente pas l'état d'urgence, à l'exception de la guerre. La Constitution italienne ne prévoit rien de semblable au mécanisme de l'article 15 de la CEDH, et le principe de proportionnalité n'est pas explicitement établi. Toutefois, ce principe est observé dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, où il est également affirmé que les dérogations aux droits de l'homme, ou plus précisément les suspensions de dispositions constitutionnelles concernant (également) les droits de l'homme, sont admissibles à condition que leur durée soit strictement limitée et que la restriction inhérente poursuive certains objectifs constitutionnels (voir décision n. 15/1982).

8. Quels droits de l'homme ont été limités/dérogés dans votre pays, dans le contexte de la pandémie Covid-19?

Les limitations les plus importantes ont concerné la liberté de circulation (article 16), de religion (article 19), de réunion (article 17) et d'initiative économique (article 41). La question est également ouverte de savoir si les personnes qui ont été soumises à la "quarantaine" ont vu leur liberté personnelle limitée (article 13).

9. Si l'état d'urgence n'a pas été déclaré, l'exécutif a-t-il bénéficié de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation ordinaire sur les risques sanitaires ou d'une autre urgence publique? A-t-il décidé d'imposer des restrictions exceptionnelles aux droits de l'homme sur la base de ces lois?

Une réponse à la question devrait tenir compte du cadre juridique spécifique de l'état d'urgence en Italie (voir Q5), où la déclaration de l'état d'urgence n'a pas de base constitutionnelle, mais seulement législative.

La déclaration de l'état d'urgence a donc constitué un terrain très faible pour les restrictions des droits de l'homme. En outre, le texte de la constitution prévoit que toutes les limitations des droits fondamentaux doivent être prévues par un acte législatif (riserva di legge). Ce sont les raisons pour lesquelles le gouvernement a eu recours à des décrets de loi afin d'impliquer le Parlement dans le processus de prise de décision.

Le décret-loi n° 6/2020 (cliquez ici) a chargé les "autorités compétentes" d'adopter des mesures de confinement et de gestion, notamment l'interdiction de quitter certaines zones ou d'y pénétrer, la suspension du travail, des réunions, des manifestations et de la scolarité, la fermeture de certaines catégories de bureaux et de magasins, la limitation des transports publics, la quarantaine, etc. Il contenait une clause résiduelle non limitative qui donnait mandat au chef du gouvernement d'adopter "toute mesure de confinement et de gestion adéquate et proportionnée à l'évolution de la situation épidémiologique".

Des mesures basées sur ce mandat général ont été prises par le chef du gouvernement national ainsi que par certaines autorités régionales. En outre, le chef du gouvernement (président du cabinet des ministres) a pris ses propres décrets sur la base du décret-loi n° 6 (pour un exemple cliquez ici

Le décret-loi n° 6/2020 a été converti en loi n° 13/2020, et d'autres décrets (n° 9, 11, 14/2020 et n° 18 du 17 mars 2020, le plus complet) ont été adoptés avec des mesures supplémentaires. Le décret-loi du 25 mars 2020 visait à harmoniser les mesures prises aux différents niveaux (national, régional, local).

10. Est-ce que la possibilité pour l’exécutif de déroger à la répartition normale des pouvoirs en situation d’urgence est limitée quant à sa durée, ses circonstances et sa portée?

Le gouvernement dispose de pouvoirs conférés par la loi n. 833/1978, qui établit le Service national de santé, ainsi que le pouvoir constitutionnel d’émettre des décrets qui devraient être approuvés par le Parlement dans un délai de soixante jours (voir Q7 et Q9).

11. Les sessions du Parlement ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps? Des règles spécifiques sur le fonctionnement du Parlement pendant l'urgence ont-elles été adoptées? Par le parlement ou par l'exécutif?

Les sessions du Parlement n'étaient pas formellement suspendues, bien que leur durée soit substantiellement limitée et, dans la pratique, le parlement était convoqué uniquement pour l'approbation des décrets-lois. D'autre part, la pandémie a contraint les deux chambres à adopter des règles temporaires visant à limiter le nombre de députés présents sur le banc pendant une certaine procédure.

12. Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle ou d'une juridiction équivalente et/ou d'autres tribunaux ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps ? Des règles spécifiques sur leur fonctionnement pendant l'état d'urgence ont-elles été adoptées ? Par le parlement ou par l'exécutif ?

Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle et des autres tribunaux n'ont pas été suspendues pendant la pandémie de Covid-19, bien que les audiences publiques n'aient pas eu lieu. La Cour constitutionnelle n'a jamais cessé ses activités et a pris des délibérations "en chambre". Dans un deuxième temps, elle a décidé de tenir des audiences publiques par internet si les parties demandaient une discussion orale. Dans le cas contraire, les décisions ont été prises uniquement sur la base d'arguments écrits. Alors que la Cour constitutionnelle était totalement indépendante dans l'adoption des décisions correspondantes, l'activité des tribunaux ordinaires et administratifs était décidée par décrets-lois. (n. 11 et 18 de 2020). Ces textes législatifs prévoient différentes règles pour différents types de processus : administratif, civil et pénal.

13. La législation sur l'état d'urgence ou sur la situation d'urgence a-t-elle été modifiée ou adoptée pour faire face à la pandémie de Covid-19?

Pas une législation ordinaire (à l’exception des décrets-lois du gouvernement, tels qu’approuvés par le Parlement - voir Q1)

14. Cette législation supplémentaire a-t-elle fait l'objet d'un contrôle judiciaire?

Non, puisque la législation ordinaire n'a pas été modifiée pendant la crise COVID-19 (seuls des décrets-lois ont été adoptés et approuvés par le Parlement)

15. L'état d'urgence a-t-il été prolongé ? Pour combien de temps ? La prolongation a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ? A-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire?

Pour l'instant, il n'a pas été prolongé

16. Quels sont les recours juridiques disponibles contre les mesures générales et/ou individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence? Quels sont les recours juridiques contre les mesures prises en application de la législation ordinaire sur les crises sanitaires ? Une modification des recours juridiques disponibles a-t-elle été décidée en raison de l'état d'urgence ou provoquée par celui-ci? Des mesures d'urgence ont-elles été invalidées et pour quelles raisons (compétence, procédure, manque de proportionnalité, etc.).

Il n'existe pas de recours spécial pour les mesures adoptées pendant l'urgence. Les méthodes ordinaires d'accès à la justice s'appliquent. Une distinction doit être faite entre les recours judiciaires selon qu'ils concernent la légalité objective, y compris le respect des compétences de l'État, des régions et des municipalités telles que prévues dans la Constitution et dans la législation ordinaire, ou la violation des droits de l'homme. Le gouvernement national a engagé des procédures judiciaires contre certaines régions (Calabre). Le gouvernement national a allégué que les mesures d'urgence de ces régions empiétaient sur les compétences de l'État. Dans cette affaire, le tribunal administratif a invalidé les mesures de la Région. En ce qui concerne les procès fondés sur les revendications des droits de l'homme, leur résultat n'est pas encore connu.

17. Si des élections parlementaires et/ou, le cas échéant, présidentielles étaient prévues pendant l'urgence de Covid-19 : ont-elles eu lieu? Des dispositions particulières ont-elles été prises et, si oui, lesquelles ? A-t-il été nécessaire de modifier la législation électorale? Quel a été le taux de participation? Comment a-t-elle été comparée à celle des élections précédentes? Si elles ont été reportées, quelle était la base constitutionnelle ou légale pour le faire? Qui a pris la décision? Pour combien de temps ont-elles été reportées? Cette décision a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ou judiciaire ?

Aucune élection parlementaire n'a été prévue pendant l'urgence de Covid-19. Avant l'urgence, un référendum constitutionnel a été prévu au printemps 2020 concernant la réduction du nombre de députés, ainsi que des élections concernant le renouvellement d'importants conseils régionaux. Ces consultations ont été reportées par le gouvernement national à la fin de l'urgence, et devraient maintenant avoir lieu en septembre prochain.

18. Mêmes questions que sous 17, mutatis mutandis, en ce qui concerne les élections locales et les référendums.

Non applicable