Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence
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Avis de non-responsabilité: ces informations ont été recueillies par le Secrétariat de la Commission de Venise sur la base des contributions des membres de la Commission de Venise, et complétées par des informations disponibles à partir de diverses sources ouvertes (articles académiques, blogs juridiques, sites Web d'information officiels, etc.) .
Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR
Morocco
1. La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?
La Constitution du 29 juillet 2011 consacre comme situations exceptionnelles, la déclaration de guerre, l’état d’exception, l’état de siège, et prévoit la création d’un conseil supérieur de sécurité ayant pour mission de résoudre notamment les situations de crise.
2. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?
Le regime de l’état d’urgence n’est pas prévu par la constitution et de ce fait, il reste justiciable d’une norme infra-constitutionnelle, en l’occurrence d’une loi. Il n’impacte pas le fonctionnement des institutions, (relations Gouvernement/ Parlement), peut être décrété dans une portion ou dans l’ensemble du territoire, accroit les pouvoirs de police administrative des autorités et restreint les libertés publiques (liberté de circuler, de rassemblement, de manifestation, etc).
3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?
La seule norme juridique qui existe est la loi sur l’état d’urgence sanitaire (voir Q2).
4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?
Oui, par le chef du Gouvernement par décret du 24 mars 2020 en se fondant sur le décret-loi du 23 mars (loi N°23.20 portant ratification du décret-loi n°2.20.292 du 28 rejeb 1441 de 23 mars 2020 édictant des dispositions particulières à l'état d'urgence sanitaire et des mesures de sa déclaration (BO n°6887) - la première fois pour un mois, puis prorogé quatre fois (du 24 mars jusqu’au 20 avril puis jusqu’au 20 mai, puis jusqu’au 10 juin, puis jusqu’au 10 juillet, puis jusqu’au 10 août), sauf que dans les deux dernières prorogations, l’allègement des mesures restrictives sont à la discrétion des représentants de l’administration déconcentrée.
5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?
C’est une loi qui régit l’état d’urgence sanitaire, prise initialement par décret-loi le 23 mars 2020 puis soumise pour ratification au Parlement (loi N°23.20 portant ratification du décret-loi n°2.20.292 du 28 rejeb 1441 (23 mars 2020) édictant des dispositions particulières à l'état d'urgence sanitaire et des mesures de sa déclaration. En revanche, l’application de l’état d’urgence sanitaire (24mars 2020) a été faite par le Gouvernement, par décret du 24 mars 2020 sur la base de la loi du 23 mars 2020.
6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?
Théoriquement, tous les actes du chef du Gouvernement sont susceptibles de contrôle devant les juridictions administratives, mais dans la pratique, elle ne l’a pas été.
7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?
L’article 59 de la Constitution relatif à l’état d’exception dispose que même dans ce régime particulier « les libertés et droits fondamentaux prévus dans le cadre de cette constitution demeurent garantis ». Le statut juridique des libertés et droits fondamentaux est consacré par la constitution et défini par la loi. En cas de dérogations en situation d’urgence, le législateur et le juge doivent intervenir de manière proportionnée, nécessaire et sous le contrôle du juge.
8. Quels droits de l'homme ont été limités/dérogés dans votre pays, dans le contexte de la pandémie Covid-19?
Dès les premiers cas déclarés de contamination le 2 mars 2020, diverses mesures de confinement obligatoire, d’interdiction de rassemblement, de fermeture de commerce ont été prises.
9. Si l'état d'urgence n'a pas été déclaré, l'exécutif a-t-il bénéficié de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation ordinaire sur les risques sanitaires ou d'une autre urgence publique? A-t-il décidé d'imposer des restrictions exceptionnelles aux droits de l'homme sur la base de ces lois?
Le decret-loi de Mars 2020 permet au gouvernement, en cas de besoin, de prendre à caractère exceptionnel toute disposition d’ordre économique ou financière ou sociale ou environnementale qui contribuerait, de façon directe, à limiter les effets négatifs de l’état d’urgence. Il punit aussi toute personne qui désobéit aux ordres et décisions des autorités de un à trois mois de prison et d’une amende entre 300 et 1300 dirhams, ou de l’une des deux peines.
10. Est-ce que la possibilité pour l’exécutif de déroger à la répartition normale des pouvoirs en situation d’urgence est limitée quant à sa durée, ses circonstances et sa portée?
Le gouvernement possedent les pouvoirs en vertu de decret-loi de Mars 2020 (ratifie par la loi oi N°23.20) pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire. Le Gouvernmenet peut prendre "les mesures nécessaires qu’exige" l état d'urgence sanitaire
11. Les sessions du Parlement ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps? Des règles spécifiques sur le fonctionnement du Parlement pendant l'urgence ont-elles été adoptées? Par le parlement ou par l'exécutif?
Le Parlement a continué à se réunir mais avec une représentation limitée à trois élus par groupe parlementaire (21 élus) sur la base d’un accord entre les partis.
12. Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle ou d'une juridiction équivalente et/ou d'autres tribunaux ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps ? Des règles spécifiques sur leur fonctionnement pendant l'état d'urgence ont-elles été adoptées ? Par le parlement ou par l'exécutif ?
La Cour constitutionnelle a continué à fonctionner normalement, par contre les autres tribunaux ont suspendu les audiences en exceptant les plus urgentes en matière criminelle par le procédé du procès à distance.
13. La législation sur l'état d'urgence ou sur la situation d'urgence a-t-elle été modifiée ou adoptée pour faire face à la pandémie de Covid-19?
Il y a eu publication d’une série de textes avec à leurs têtes le décret-loi du 23 mars 2020 édictant des dispositions particulières à l’état d’urgence sanitaire et les mesures de sa déclaration, le décret du 24 mars 2020 portant déclaration de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour faire face à la propagation du coronavirus Covid-19, puis, ceux du 18 avril 2020, du 19 mai 2020, du 9 juin 2020 et du 9 juillet 2020 portant respectivement sa prorogation jusqu’au 20 mai 2020, au 10 juin 2020, au 10 juillet 2020 et au 10 août 2020.
14. Cette législation supplémentaire a-t-elle fait l'objet d'un contrôle judiciaire?
Non bien qu’un tel contrôle est juridiquement possible.
15. L'état d'urgence a-t-il été prolongé ? Pour combien de temps ? La prolongation a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ? A-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire?
Oui ; quatre fois ; non, pas de contrôle parlementaire car la prorogation s’est faite par décret ; non, elle n’a pas été soumise à un contrôle judiciaire bien que cela soit possible.
16. Quels sont les recours juridiques disponibles contre les mesures générales et/ou individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence? Quels sont les recours juridiques contre les mesures prises en application de la législation ordinaire sur les crises sanitaires ? Une modification des recours juridiques disponibles a-t-elle été décidée en raison de l'état d'urgence ou provoquée par celui-ci? Des mesures d'urgence ont-elles été invalidées et pour quelles raisons (compétence, procédure, manque de proportionnalité, etc.).
Le recours pour excès de pouvoir est dispolible, mais il n’a pas été exercé dans la pratique. Il n’y a pas eu de modification dans ce sens.
17. Si des élections parlementaires et/ou, le cas échéant, présidentielles étaient prévues pendant l'urgence de Covid-19 : ont-elles eu lieu? Des dispositions particulières ont-elles été prises et, si oui, lesquelles ? A-t-il été nécessaire de modifier la législation électorale? Quel a été le taux de participation? Comment a-t-elle été comparée à celle des élections précédentes? Si elles ont été reportées, quelle était la base constitutionnelle ou légale pour le faire? Qui a pris la décision? Pour combien de temps ont-elles été reportées? Cette décision a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ou judiciaire ?
Non, les prochaines échéances électorales sont prévues avant octobre 2021.
18. Mêmes questions que sous 17, mutatis mutandis, en ce qui concerne les élections locales et les référendums.
Non. Les élections locales sont prévues la même année que les élections législatives c’est-à-dire avant octobre 2021 ; quant au référendum, la révision constitutionnelle de 2011 a circonscrit le referendum à la seule consultation portant sur la révision constitutionnelle.
La déclaration de guerre : elle est délibérée en conseil des ministres, elle fait partie des pouvoirs que le Roi exerce avec le contreseing du chef du Gouvernement, une communication en est faite au Parlement (Article 49, tiret 9).
L’état d’exception : il est prévu par la constitution, proclamé par le Roi et fait partie des pouvoirs sans contreseing "lorsque l’intégrité du territoire national est menacée ou que se produisent des événements qui entravent le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles". Le chef de l’Etat disposant dans ce cas des pleins pouvoirs, il gouverne, légifère et administre. Un tel régime a été proclamé une seule fois le 7 juin 1965. L’état d’exception impact l’équilibre institutionnel, ce qui n’est pas le cas pour les autres circonstances exceptionnelles. Il est global et national, s’applique sur tout le territoire et des conditions de fond et de forme sont expressément prévues pour son déclenchement. (Article 59).
L’état de siège : il est prévu par la constitution, délibéré en conseil des ministres pour une durée de 30 jours. Il s’agit de l’exercice d’un pouvoir royal contre signé par le chef du Gouvernement. Un tel régime implique la remise des pouvoirs de police aux militaires et entraine une limitation des libertés. Il peut être limité à une portion du territoire et n’impacte pas le fonctionnement des institutions. Ce régime exceptionnel n’a jamais été appliqué au Maroc et jusqu’à présent aucun texte ne le régit. (Article 49, tiret 8).
Le conseil supérieur de sécurité : il s’agit d’une institution nouvelle prévue par la constitution de 2011 dans une perspective d’une meilleure gouvernance sécuritaire et pour répondre aux recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation. Il a comme mission de résoudre les situations de crise. Jusqu’à présent, il n’a pas encore installé et le règlement intérieur qui le régit n’a pas encore été adopté. (Article54).
L’état d’urgence : ce régime n’est pas prévu par la constitution et de ce fait, il reste justiciable d’une norme infra-constitutionnelle, en l’occurrence d’une loi - voir Q2 .L’article 81 de la Constitution permet au gouvernement de prendre dans l’intervalle des sessions, avec l’accord des commissions concernées des deux chambres, des décrets-lois qui doivent être, au cours de la session ordinaire suivante du Parlement, soumis à la ratification de celui-ci. Ce mechanisme a été utilisé pour adopter un decret-loi n° 2.20.292 du 28 rejeb 1441 (23 mars 2020) édictant des dispositions particulières à l'état d'urgence sanitaire et des mesures de sa déclaration (BO n°6887), qui a été ratifié par la loi N°23.20.
Jusqu’à présent, aucun texte ne le régissait, ce n’est qu’à la suite du Covid-19, qu’une loi sur l’état d’urgence sanitaire a été adoptée ( loi N°23.20 portant ratification du décret-loi n°2.20.292 du 28 rejeb 1441 (23 mars 2020) édictant des dispositions particulières à l'état d'urgence sanitaire et des mesures de sa déclaration (BO n°6887) - voir ici.
Le decret-loi de Mars 2020 permet au gouvernement, en cas de besoin, de prendre à caractère exceptionnel toute disposition d’ordre économique ou financière ou sociale ou environnementale qui contribuerait, de façon directe, à limiter les effets négatifs de l’état d’urgence. Il punit aussi toute personne qui désobéit aux ordres et décisions des autorités de un à trois mois de prison et d’une amende entre 300 et 1300 dirhams, ou de l’une des deux peines.
Sur instruction du ministre de l’intérieur le 4 mars, soit le surlendemain du premier cas de contamination, apparu le 2 mars, les autorités administratives, à l’échelon de toutes les préfectures et provinces du royaume, sont chargées de prendre une foule de mesures restrictives des libertés consistant dans l’interdiction pour tout le mois de mars 2020 des événements impliquant la participation de personnes venant de l’étranger y compris les conférences, les forums, les manifestations culturelles ou sportives, les raids ou rallyes, ainsi que de tout événement connaissant la participation de plus de mille personnes résidentes sur le territoire national.
Dans le même sens, le 16 mars, le ministre chargé du département de la réforme de l’administration adresse des instructions relatives aux mesures à prendre dans les différents services publics. Dans ce communiqué il est précisé que l’état d’urgence sanitaire ne signifie pas l’arrêt de l’activité économique, mais la prise de mesures exceptionnelles imposant la limitation du mouvement des citoyens. Il est ajouté que le fait de quitter le domicile sera conditionné par l’obtention d’un document officiel auprès des agents d’autorité, selon les conditions suivantes : - Se rendre au travail pour les administrations et les établissements ouverts, dont les sociétés, les usines, les travaux agricoles, les locaux et espaces de commerce en rapport avec la vie quotidienne du citoyen, les pharmacies, les secteurs bancaire et financier, les stations d’approvisionnement en hydrocarbures, les cliniques et cabinets médicaux, les agences de sociétés de télécommunications, les professions libérales indispensables et les locaux de vente de produits d’hygiène. A ce propos, le déplacement sera autorisé uniquement pour les personnes dont la présence sur le lieu de travail est nécessaire et sera conditionné par la délivrance d’une attestation dûment signée et cachetée par leurs supérieurs au travail. - Le déplacement pour l’approvisionnement en produits nécessaires à la vie quotidienne dans le périmètre du lieu de résidence, ou pour recevoir les soins nécessaires ou pour se procurer les médicaments auprès des pharmacies ; poursuit la même source, mettant en garde que toute citoyenne et tout citoyen est tenu de se conformer à ces mesures obligatoires sous peine de sanctions prévues dans le code pénal. Dans ce cadre, les autorités locales et les Forces publiques, Sûreté nationale, Gendarmerie Royale et Forces auxiliaires, vont veiller à l’application des mesures de contrôle avec fermeté et responsabilité à l’encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique.
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire les autorités publiques concernées prennent les mesures nécessaires pour : a) que les personnes ne quittent pas leurs domiciles, et prennent les mesures préventives nécessaires, conformément aux orientations des autorités sanitaires ; b) L’interdiction du déplacement de toute personne hors son domicile, sauf dans les cas d’extrême nécessité suivants : – le déplacement du domicile au lieu de travail, notamment les services publics vitaux, les entreprises privées, les professions libérales dans les secteurs et les établissements essentiels fixés par arrêtés des autorités gouvernementales concernées, sous réserve des règlements fixés par les autorités administratives concernées à cet effet ; – le déplacement pour l’achat de produits et marchandises de première nécessité, y compris l’achat de médicaments auprès des officines ; – le déplacement pour se rendre aux cabinets médicaux, cliniques, hôpitaux, laboratoires d’analyses médicales, centres de radiologie et autres établissements de santé, aux fins de diagnostic, d’hospitalisation et de soins ; – le déplacement pour motif familial impérieux pour l’assistance des personnes en situation difficile ou qui ont besoin de secours. c) L’interdiction de tout rassemblement, attroupement ou réunion d’un groupe de personnes quel qu’en soit le motif. Sont exceptées de cette interdiction, les réunions tenues à des fins professionnelles, sous réserve de prendre les mesures préventives édictées par les autorités sanitaires ; d) La fermeture des commerces et autres établissements recevant le public pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré. Il ne peut être procédé à l’ouverture desdits commerces et établissements par leurs propriétaires que pour leurs seuls besoins personnels.
Pour plus de details voir le decret de 24 mars 2020.
Des mesures d'urgence n'ont pas été invalidées; elles ont au contraire été validées puisque deux jurisprudences n’ont pas donné satisfaction aux requérants. Pour plus de details voir sur la jurisprudence voir ici.