Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence
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Avis de non-responsabilité: ces informations ont été recueillies par le Secrétariat de la Commission de Venise sur la base des contributions des membres de la Commission de Venise, et complétées par des informations disponibles à partir de diverses sources ouvertes (articles académiques, blogs juridiques, sites Web d'information officiels, etc.) .
Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR
Peru
1. La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?
Oui, de telles dispositions existent. L'article 137 de la Constitution péruvienne de 1993 régit le régime d'exception dans les termes suivants :
2. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?
L’état d’urgence est règlementé par l’article 7 de la norme constitutionnelle. Avec l’état de siège, il s’agit de l’un des deux régimes d’exception possibles, tels que prévus par la Constitution. Il n’existe pas de lois ordinaires réglementant l’état d’urgence.
3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?
Oui. La loi n° 26842, loi générale sur la santé, du 20 juillet 1997, contient des dispositions relatives à la déclaration de quarantaine, entre autres mesures de sécurité, dans ses articles 130 à 132. La plus importante de ces normes est la dernière, qui établit les principes de proportionnalité que cette mesure doit respecter :
4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?
Le 16 mars, l'état d'urgence a été déclaré par le Président de la République Martin Vizcarra, par le décret suprême Nº 044-2020-PCM, "Decreto Supremo que declara Estado de Emergencia Nacional por las graves circunstancias que afectan la vida de la Nación a consecuencia del brote del COVID-19". Cette déclaration initiale a duré deux semaines. Cependant, l'état d'urgence - y compris la quarantaine - a été prolongé cinq fois. Selon sa dernière prolongation, déclarée par le décret suprême Nº 094-2020-PCM, du 23 mai, il prendra fin le 30 juin prochain. Elle durera donc au total quinze semaines et deux jours.
5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?
La déclaration présidentielle n’a pas été soumise à l’approbation du Parlement. Le Président de la République est seulement tenu d’informer le Congrès.
6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?
Au niveau de la Cour constitutionnelle, en juin 2020, il n'y a pas encore eu de processus. Toutefois, des plaintes pourraient être déposées pour demander le contrôle judiciaire de l'état d'urgence et de la quarantaine auprès des instances inférieures du système de justice constitutionnelle du Pérou - c'est-à-dire les juges constitutionnels et les chambres constitutionnelles des tribunaux supérieurs. Il n'existe pas d'informations publiques à ce sujet.
7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?
Selon la Constitution (voir question 1), l'état d'urgence implique la suspension temporaire de quatre droits constitutionnels : 1. L'inviolabilité du domicile. 2. La liberté de circulation sur le territoire national. 3. La liberté de réunion pacifique, et 4. La liberté et la sécurité - c'est-à-dire ne pas être détenu sauf sur ordre écrit et motivé d'un juge ou des autorités de police en cas de crime flagrant.
8. Quels droits de l'homme ont été limités/dérogés dans votre pays, dans le contexte de la pandémie Covid-19?
Les articles 3 et suivants du décret suprême n° 044-2020-PCM précisent les mesures limitant les droits de l'homme pendant l'état d'urgence. En particulier, en vertu de l'article 4, pendant l'état d'urgence, une quarantaine nationale a été imposée, permettant la circulation uniquement pour la fourniture et l'accès aux services et biens essentiels suivants (acquisition, production et fourniture de produits alimentaires, pharmaceutiques et essentiels, visites à l'hôpital, retour au lieu de résidence habituel, soins aux personnes âgées et aux enfants, etc. L'article 7 prévoyait la suspension de l'accès du public aux locaux et établissements, à l'exception des établissements de commerce alimentaire de détail, des produits pharmaceutiques, médicaux et d'hygiène, des carburants, etc. L'article 8 prévoyait la fermeture temporaire des frontières. Pour le texte en espagnol, cliquez ici.
9. Si l'état d'urgence n'a pas été déclaré, l'exécutif a-t-il bénéficié de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation ordinaire sur les risques sanitaires ou d'une autre urgence publique? A-t-il décidé d'imposer des restrictions exceptionnelles aux droits de l'homme sur la base de ces lois?
Les pouvoirs additionnels ont été donnés à l’exécutif conformément à la déclaration présidentielle proclamant l’état d’urgence (voir question 1).
10. Est-ce que la possibilité pour l’exécutif de déroger à la répartition normale des pouvoirs en situation d’urgence est limitée quant à sa durée, ses circonstances et sa portée?
Voir question 1 : portée de l’état d’urgence
11. Les sessions du Parlement ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps? Des règles spécifiques sur le fonctionnement du Parlement pendant l'urgence ont-elles été adoptées? Par le parlement ou par l'exécutif?
Le 26 janvier, le Pérou a tenu des élections parlementaires extraordinaires, après que le Président de la République, Martin Vizcarra, ait dissous le Congrès le 30 septembre 2019. Le nouveau Congrès - qui achèvera le mandat de cinq ans des pouvoirs élus du Pérou le 28 juillet 2021 - a été installé le 16 mars. Après avoir tenu quelques réunions en présence des députés, il a commencé à fonctionner virtuellement, tant dans ses sessions plénières que dans ses commissions. Le 28 mai, le nouveau Congrès a débattu et approuvé un vote de confiance demandé par le Cabinet des ministres. Cette demande a cependant été faite tardivement, en dehors du délai de 30 jours prévu par la Constitution.
12. Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle ou d'une juridiction équivalente et/ou d'autres tribunaux ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps ? Des règles spécifiques sur leur fonctionnement pendant l'état d'urgence ont-elles été adoptées ? Par le parlement ou par l'exécutif ?
La Cour constitutionnelle du Pérou ne s'est pas réunie pendant les trois premières semaines de l'état d'urgence, mais a continué à étudier les affaires et à formuler des projets de décisions au niveau des bureaux des magistrats. Elle a repris ses sessions plénières et ses audiences le 7 avril, en utilisant des outils en ligne. La Cour a elle-même décidé de ses modalités de travail.
13. La législation sur l'état d'urgence ou sur la situation d'urgence a-t-elle été modifiée ou adoptée pour faire face à la pandémie de Covid-19?
Il n’y a pas eu de nouvelles législations modifiées pendant l’état d’urgence.
14. Cette législation supplémentaire a-t-elle fait l'objet d'un contrôle judiciaire?
Non applicable – voir question 13
15. L'état d'urgence a-t-il été prolongé ? Pour combien de temps ? La prolongation a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ? A-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire?
Depuis juin 2020, l'état d'urgence a été prorogé cinq fois. Donc, au total, il y a eu six décrets sur l'état d'urgence (16 mars, 27 mars, 10 avril, 25 avril, 10 mai et 23 mai).
16. Quels sont les recours juridiques disponibles contre les mesures générales et/ou individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence? Quels sont les recours juridiques contre les mesures prises en application de la législation ordinaire sur les crises sanitaires ? Une modification des recours juridiques disponibles a-t-elle été décidée en raison de l'état d'urgence ou provoquée par celui-ci? Des mesures d'urgence ont-elles été invalidées et pour quelles raisons (compétence, procédure, manque de proportionnalité, etc.).
En vertu de l'article 200 de la Constitution, l'exercice de l'habeas corpus et de l'amparo (qui intervient en cas d'acte ou d'omission de toute autorité, fonctionnaire ou personne, qui viole ou menace les autres droits reconnus par la Constitution) n'est pas suspendu pendant l'exécution des états d'exception visés à l'article 137 de la Constitution. Lorsque des requêtes concernant ces droits constitutionnels sont introduites à l'égard de droits restreints ou suspendus, l'organe juridictionnel correspondant examine le caractère raisonnable et proportionnel de l'acte restrictif. Le juge n'est pas habilité à contester la déclaration de l'état d'urgence ou de l'état de siège. Les recours possibles sont notamment l'"acción popular" et l'"inconstitucionalidad" contre le contenu des normes.
17. Si des élections parlementaires et/ou, le cas échéant, présidentielles étaient prévues pendant l'urgence de Covid-19 : ont-elles eu lieu? Des dispositions particulières ont-elles été prises et, si oui, lesquelles ? A-t-il été nécessaire de modifier la législation électorale? Quel a été le taux de participation? Comment a-t-elle été comparée à celle des élections précédentes? Si elles ont été reportées, quelle était la base constitutionnelle ou légale pour le faire? Qui a pris la décision? Pour combien de temps ont-elles été reportées? Cette décision a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ou judiciaire ?
Non applicable
18. Mêmes questions que sous 17, mutatis mutandis, en ce qui concerne les élections locales et les référendums.
Non applicable
Le Président de la République, sur avis et avec l'accord du Conseil des ministres, peut décréter pour une durée déterminée, sur tout ou partie du territoire national, et signaler au Congrès ou à l'Assemblée permanente l'état d'exception prévu au présent article :
1. L'état d'urgence en cas de troubles de la paix ou de l'ordre intérieur, de catastrophes ou de circonstances graves affectant la vie de la Nation. Dans ce cas, l'exercice du droit constitutionnel relatif à la liberté et à la sécurité des personnes, à l'inviolabilité du domicile et à la liberté de réunion et de circulation sur le territoire, tel qu'il est prévu aux paragraphes 9, 11 et 12 de l'article 2 et au paragraphe 24, alinéa f du même article, peut être limité ou suspendu. Nul ne peut être exilé en aucun cas.
La durée de l'état d'urgence ne peut excéder 60 jours. Sa prolongation nécessite un nouveau décret. En cas d'état d'urgence, les forces armées peuvent prendre en charge l'ordre intérieur si le Président de la République le décide.
2. L'état de siège, en cas d'invasion, de guerre étrangère ou civile, ou de danger imminent que de tels événements puissent se produire, avec la mention des droits fondamentaux dont l'exercice n'est pas limité ou suspendu. Le délai applicable ne peut excéder 45 jours. Lorsque l'état de siège est déclaré, le Congrès se réunit en vertu d'une loi. Sa prolongation nécessite l'approbation du Congrès.
Toutes les mesures de sécurité prises par l'Autorité sanitaire en vertu de cette loi sont soumises aux principes suivants :
(a) Elles doivent être proportionnées aux objectifs poursuivis ;
(b) Leur durée ne doit pas dépasser ce qui est requis par la situation de danger grave et imminent qui les a justifiées ; et
c) Il convient de privilégier les mesures qui sont efficaces pour atteindre l'objectif poursuivi mais qui ne portent qu'un préjudice minimal à la libre circulation des personnes et des biens, à la liberté d'entreprise et à tout autre droit concerné.
L'article XII du titre préliminaire de la loi précitée a prévu que l'exercice du droit à la propriété, à l'inviolabilité du domicile, à la libre circulation des personnes, à la liberté du travail, des affaires, du commerce et de l'industrie, ainsi que l'exercice du droit de réunion, sont soumis aux limitations établies par la loi en matière de protection de la santé publique.
La même norme constitutionnelle établit les circonstances qui peuvent motiver la déclaration d'un état d'urgence : 1. la perturbation de la paix ou de l'ordre intérieur. 2. Une catastrophe. et, 3. Des circonstances graves qui affectent la vie de la Nation. Enfin, la même norme constitutionnelle établit que personne ne peut être exilé en aucune circonstance.
En outre, la norme juridique susmentionnée - article 132 de la loi Nº 26842, loi générale de santé - établit que toutes les mesures de sécurité adoptées par l'Autorité sanitaire, y compris la quarantaine, doivent respecter le principe de proportionnalité, ne doivent pas dépasser le temps nécessaire pour faire face au danger et que la mesure doit être efficace pour atteindre l’objectif visé tout en étant le moins intrusive possible pour la libre circulation des personnes et des biens, la liberté d'entreprise, et pour tout autre droit affecté.
Au 7 avril 2020, 52 000 personnes avaient été arrêtées pour non-respect des restrictions de circulation de jour.
Elle n’affecte pas le principe de séparation des pouvoirs ou la structure de l’État, mais donne des pouvoirs supplémentaires à l’exécutif pour limiter quatre droits constitutionnels, mentionnés à l’article 137.